Esquisse d’une brève biographie du père Eugène Prévost, c.f.s.

 

Le 11 février 1901, en la fête liturgique de Notre-Dame de Lourdes, le pape Léon XIII signe un document important pour l’Église. Il y confirme en quelque sorte la vocation nouvelle de l’abbé Eugène Prévost :

« Votre projet, cher fils, semble répondre aux volontés du Dieu très miséricordieux qui vous appelle à vous dévouer tout entier au bien des prêtres. Aidé des compagnons que vous réunirez, entreprenez donc avec confiance et avec prudence cette Œuvre qu’il nous plaît d’appeler du nom de Fraternité Sacerdotale ».

Une telle vocation ne surgit pas tout d’un coup dans le monde. Elle a été longuement préparée par une solide éducation chrétienne, une sérieuse formation sacerdotale et une expérience prolongée de vie religieuse.

Né le 24 août 1860, à St-Jérôme, comté de Terrebonne dans la province de Québec, au Canada, Eugène appartient à une famille de quinze enfants.

Le père, Jules, médecin d’une charité légendaire, répétait souvent : « La volonté de Dieu, quelle ancre de salut ». Eugène retiendra l’enseignement de son père et s’appliquera toute sa vie à rechercher et à réaliser le mieux possible « la sainte et adorable volonté de Jésus ».

La mère nommée Edwidge, a formé ses enfants à une vie chrétienne où l’Eucharistie est à l’honneur. Dès l’âge de six ans, Eugène sert déjà la messe du curé Labelle, même  s’il  fera  sa  première communion seulement le mardi, 6 juillet 1869.

La famille Prévost jouit d’une certaine aisance financière de sorte que leurs enfants peuvent réaliser des études supérieures leur assurant une carrière professionnelle. Quatre garçons deviendront médecins comme leur père. Eugène reçoit plutôt une formation au séminaire de philosophie de Montréal tenu par les Sulpiciens. Auprès de M. Lecocq, son directeur spirituel, il apprend cette ferveur eucharistique léguée par M. Jean-Jacques Olier qui écrivait :

« Le Saint-Sacrement sera le moule où j’irai me fondre pour recevoir l’empreinte, la ressemblance et la force de Jésus ».

Chez les Sulpiciens, Eugène est autorisé à communier chaque jour en servant la messe de son directeur spirituel.

Témoin de l’amour d’Eugène pour l’Eucharistie, M. Lecocq reconnaît son appel à la vie religieuse et l’oriente vers la Congrégation du Saint-Sacrement fondée par Pierre-Julien Eymard. Eugène quitte donc sa famille pour l’Europe, le 1er août 1881. Il deviendra religieux du Très-Saint-Sacrement le 29 septembre 1883 et sera ordonné prêtre à Rome, le 4 juin 1887.

Depuis ce temps, Jésus l’éclaire sur le mystère de son sacerdoce, sur celui des prêtres et même sur celui des baptisés. Aux archives, se trouve conservée une retraite que le père Prévost a prêchée sur le sacerdoce en l’année 1893 aux fidèles de Marseille. Pour lui, quand le Fils de Dieu se fait homme, il devient prêtre, médiateur unique entre Dieu et les hommes. Jésus est donc essentiellement prêtre. Tel sera le fondement de sa spiritualité.

Chargé par son supérieur de l’Oeuvre des Prêtres-Adorateurs, le père Prévost s’y dévouera avec zèle et succès durant de nombreuses années. Au contact des prêtres, il sera témoin de leurs multiples besoins et de leurs attentes. Aucune congrégation religieuse ne semble vouloir y répondre de manière particulière. Eugène sent le devoir de venir en aide davantage à ces prêtres en ouvrant une maison pour eux. Sa communauté lui laisse entendre que ce n’est pas opportun. Et pourtant, le cri de ces prêtres ne cesse de retentir dans le cœur d’Eugène!

Finalement, après avoir vécu dix-neuf ans dans sa congrégation religieuse, Eugène reconnaîtra :

« Ma vie religieuse dans la Congrégation du Très-Saint-Sacrement n’a été qu’une voie d’acheminement, ce n’était point le terme. Jésus a voulu que je m’en sépare. Cette volonté est claire pour moi comme le soleil. La Congrégation de la Fraternité Sacerdotale, voilà ma vie, ma destinée, la cime de mon bonheur, le couronnement suprême des miséricordes du Seigneur à mon égard, la pleine réalisation des mystérieux desseins de mon Jésus sur ma propre misère » (Notes intimes).

Le 1er août 1900, le père Eugène reçoit la dispense de ses vœux de religion de sorte que le lendemain commence pour lui la dernière étape de sa vie : celle de la fondation de deux congrégations religieuses dans l’Église : la Fraternité Sacerdotale et les Oblates de Béthanie vouées toutes deux à l’adoration eucharistique et au soutien des prêtres.

Le père Prévost y consacrera quarante-six ans de sa vie puisqu’il mourra en France, à la Beuvrière, le 1er août 1946. Jusqu’à la fin de sa vie mouvementée, il a été fidèle à l’engagement du Jeudi-Saint, 4 avril 1901, pris devant Mgr Tarozzi, de « travailler jusqu’à ma mort, au bien, au salut et à la sanctification des prêtres ».

L’intrépide fondateur a contribué pour sa part à faire connaître et aimer Jésus Prêtre et à secourir une multitude de prêtres accueillis dans les maisons qu’il a ouvertes pour eux : une hôtellerie à la Maison-Mère de la Fraternité Sacerdotale à Paris, le 8 septembre 1901; une maison de réhabilitation à la Malmaison, le 19 mars 1902; une maison de réhabilitation à Rome, le 15 octobre 1905 et une autre pour les prêtres âgés ou malades, à Rome également, au Monte Mario, le 31 janvier 1907.

Au Québec, le 1er août 1929, on célèbrera à Pointe-du-Lac, l’ouverture du cénacle Sainte-Thérèse où le fondateur prêchera une retraite pour les prêtres du diocèse de Trois-Rivières.  Le 2 juillet 1932, le Cénacle St-Jean à Benais ouvrira ses portes et au Cénacle St-Pierre à La Beuvrière, ce sera le 25 mars 1933.

De plus, le père Prévost met au service du peuple de Dieu son talent naturel d’écrivain. De sa vieille plume brune, il écrit à l’encre noire plusieurs ouvrages. Son œuvre majeure comprend six volumes ayant pour titre : Jésus mieux connu et plus aimé dans son sacerdoce. Citons encore : La vie d’amour, 168 Conseils Spirituels, 180 Signets religieux,  36 élévations sur la vie d’intimité avec Jésus, 48 élévations sur l’amour, etc. Tout un héritage qu’on aurait profit à exploiter davantage!

Il s’est appliqué également à susciter un peu partout la dévotion à la Sainte Face de Jésus en diffusant l’image réalisée par Céline, la sœur de sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus.

Avec la collaboration de Léonie, familièrement appelée Ninette, le père Prévost organise la vie de la communauté féminine accueillie à Paris chez les Franciscaines réparatrices de Jésus-Hostie le 20 novembre 1902. Le lendemain, en la fête de la Présentation de Marie au Temple, et devant le Saint Sacrement exposé, sœur Agnès (Ninette) prononce l’acte de consécration au nom des cinq premières Oblates, dont quatre viennent du Canada.

En février 1908, les sœurs Oblates du Saint-Sacrement habitent au 106 Bd Péreire, Paris, grâce à Mme Guillet, une insigne bienfaitrice qui se porte acquéreur et s’engage à une location de vingt ans aux Oblates. La vie religieuse est difficile à cause des lois anticléricales ayant cours en France et de plus, Ninette aimerait une vie plus exclusivement contemplative. Elle trouve trop lourde la mission de supérieure et sa santé en souffre. De multiples difficultés l’amèneront à quitter la nouvelle communauté en novembre 1910.

Le fondateur notera dans son carnet :

« Le Calvaire est gravi, l’agonie continue et accompagnera mes pas. Mais je ne veux rien changer de vos desseins, ô Jésus, mon unique tout… ».

Il croit que la Providence dirige et gouverne toutes choses avec une infinie sagesse qui nous dépasse, celle de la croix. En 1911, des Oratoriennes sécularisées recommenceront l’œuvre féminine avec le père Prévost qui pourra compter sur Anne-Marie Ribault, communément appelée « la petite Mère » pour continuer la mission des sœurs appelées désormais Oblates de Béthanie.

Pour répandre les écrits enflammés de leur fondateur, les Oblates de Béthanie se dévoueront dès lors, à l’imprimerie de la Maison-Mère, au 106-108 Bd Péreire, Paris. Là, et à la maison de Pointe-du-Lac construite en 1933, les sœurs tiendront une librairie et soutiendront l’Oeuvre des religieux de la Fraternité Sacerdotale par l’offrande de leur vie d’amour et de prière et par l’apport des services compatibles avec leur genre de vie plutôt cloîtrée à l’époque. De l’Eucharistie aux prêtres et des prêtres à l’Eucharistie! Marthe et Marie de Béthanie à la fois!

Aujourd’hui, les Oblates de Béthanie publient la revue « Les Amis de Béthanie » pour faire connaître Jésus-Prêtre ainsi que son apôtre, le père Eugène Prévost, ses œuvres et sa doctrine spirituelle. Les Sœurs établies en la Colombie depuis 1955 y continuent l’œuvre sacerdotale du père Prévost dont la cause de béatification ouverte en 2012 se poursuit maintenant à Rome.

Le père Prévost a voulu « devenir un saint » et bien avant le Concile Vatican II, il exhortait tous les fidèles à progresser dans la sainteté. Il enseigne à faire revivre en l’Eucharistie, les mystères, les vertus et les enseignements du Seigneur et à s’unir au Souverain Prêtre qui est en prière devant son divin Père (cf. He 7, 25).

Il préconise d’aller le trouver au Sacrement de son amour, de vivre avec lui « au-dedans de nous-mêmes » et de nous donner à lui sans réserve pour mieux lui ressembler. Pour entretenir l’union à Dieu, il invite constamment à prier le Nom de Jésus, la plus courte et la plus efficace de toutes les prières, sans négliger la pratique des autres actes d’amour.

Dans l’épreuve qu’il accueille des mains de Dieu sans s’arrêter aux causes secondes, il exhorte à laisser faire Jésus et à s’abandonner à lui en toute confiance : « Jésus sait tout, Jésus peut tout et il nous aime. Tenons-nous en paix, aimons, et soyons abandonnés » (À 82 ans, lettre à un religieux, 31 août 1942). Il nous apprend à nous hausser au niveau de la foi pour accueillir le dessein de salut de Dieu et son amour à l’œuvre en nos vies pour les sanctifier.

Il est permis de penser que maintenant, le père Eugène Prévost chante éternellement les miséricordes de son tendre Maître : « Sa miséricorde jubile en quelque sorte quand d’un grand pécheur, elle peut faire un saint » (Lettre à un religieux, 25 avril 1920). « Nul ne vient au Père que par moi » disait Jésus à ses disciples. Eugène a suivi cette voie, une voie sûre parce que Jésus est la vérité et la vie, étant le Fils de Dieu, l’Unique. Une voie ouverte à tous ceux qui cherchent un sens à leur vie. Une voie qui mène au bonheur et à la sainteté.

Marielle Chrétien, c.o.b.

Source :
Voix du sanctuaire 2018 (PDF).