Une vie plus forte que la mort

 

Cet article vise à présenter sommairement la vision théologique de Saint Paul concernant ce que l’on appelle traditionnellement le « péché originel ». Cette vision nous semble très significative et pertinente pour l’homme d’aujourd’hui.

Si Paul parle de la solidarité de l’humanité avec « Adam » dans ce qui conduit à la mort, ce n’est que pour souligner une solidarité beaucoup plus importante, soit celle de toute l’humanité avec le Christ… celui qui conduit à la vraie vie.

Mort versus Vie

« Voilà pourquoi, de même que par un seul homme le péché est entré dans le monde et par le péché la mort, et qu’ainsi la mort a atteint tous les hommes : d’ailleurs tous ont péché… » (Rm 5,12)

En tenant compte du contexte plus large dans lequel ce verset de la lettre de Saint Paul aux Romains est inséré, on peut résumer le sens du verset en quelques points que voici :

Une vision optimiste

« Car si par un seul homme, par la faute d’un seul, la mort a régné, à plus forte raison, par le seul Jésus Christ, régneront-ils dans la vie, ceux qui reçoivent l’abondance de la grâce et du don de la justice. » Rm 5,17

Dans ce passage de la lettre aux Romains, Paul ne parle de la solidarité avec « Adam » dans ce qui conduit à la mort, que pour souligner une solidarité beaucoup plus importante, celle de toute l’humanité avec le Christ… celui qui conduit à la vraie vie.

Paul est bien sûr très conscient des forces de mort qui sont à l’œuvre dans l’humanité. Il n’essaie pas de taire cette réalité. Cependant, son expérience personnelle, sa relation avec le Christ ressuscité lui fait comprendre que l’Esprit de Dieu est une force beaucoup plus grande. Assurément, l’amour et la vie vont triompher.

Toute personne qui fait l’expérience de la vie même de Dieu, de la force du Christ, comprend par lui-même les paroles de Paul. Voilà pourquoi l’espérance est compagne du chrétien.

L’« amartia » paulinien aujourd’hui

Pour désigner les forces néfastes à l’œuvre dans le monde, Paul leur a donné le nom d’« amartia » (terme grec) qu’il a d’une certaine manière personnifiée.

D’autres auteurs bibliques parleront plutôt de Satan, de prince de ce monde, des démons, etc. Bref, il s’agit toujours des mêmes réalités mystérieuses dont on sent l’influence malfaisante mais qu’il est difficile d’identifier clairement et de nommer.

Pour peu que l’on observe notre monde, on voit bien des signes de l’« amartia » paulinien : abus de pouvoir, haine, intolérance, intégrisme, violence, matérialisme, « je m’en foutisme », individualisme, égoïsme…

Comme Paul, nous sentons bien que dès notre arrivée en ce monde, nous héritons de tout un monde d’aliénation et de mort pour lequel nous y sommes pour rien. Certes, la génération actuelle n’est pas responsable de toutes les blessures et déviations qui rongent l’humanité présente.

À titre d’exemples :

Bref, plusieurs choix que nous faisons aujourd’hui sont fortement colorés, conditionnés et orientés par les choix de nos prédécesseurs. Un effet d’entraînement est à l’œuvre. Nous le ressentons tous. Nous touchons là une « sorte de péché originel » qui se transmet par héritage à travers l’histoire de l’humanité.

La Bonne Nouvelle de Jésus-Christ, c’est qu’on peut s’en sortir! Nous ne sommes pas seuls, nous ne sommes pas orphelins. Dieu se propose à la fois discrètement et puissamment à nos vies :

« Voici, je me tiens à la porte et je frappe. Si quelqu’un entend ma voix et ouvre la porte, j’entrerai chez lui et je prendrai la cène avec lui et lui avec moi. » (Ap 3,20)

Tiraillé entre deux forces

Les deux forces dont nous parle Saint Paul qui sont à l’œuvre dans l’humanité et la société, sont également présentes dans chaque être humain, pris individuellement.

Au plan profond de son être, chacun de nous a sans doute déjà expérimenté l’appel ou la sollicitation de deux forces opposées :

Discernement des esprits oblige… question de vie, question de mort. Il s’agit de prendre la route de la vie véritable. Osons demander à l’Esprit qui s’offre à nous de nous éclairer et de nous fortifier sur la voie des choix porteurs de vie.

L’Esprit est capable de donner aux germes de vie déposés en nous leur pleine croissance :

« Écoutez-moi: marchez sous l’impulsion de l’Esprit et vous n’accomplirez plus ce que la chair désire. Car la chair, en ses désirs, s’oppose à l’Esprit, et l’Esprit à la chair; entre eux, c’est l’antagonisme; aussi ne faites-vous pas ce que vous voulez. Mais si vous êtes conduits par l’Esprit, vous n’êtes plus soumis à la loi. » (Ga 5,16-18)

Un héritage de vie dans le Christ

D’après la perspective de Rm 5,12-21, chaque être humain reçoit, du fait de sa naissance, un héritage de vie et de bien (« christique ») plus fort que l’héritage de mort (« adamique »).

Cependant, la vie de Dieu ne s’imposant pas, et comment en serait-il ainsi puisque « Dieu est Amour » (1 Jn 4,8), l’épanouissement d’un tel héritage de vie demande notre collaboration. Le Dieu libre s’adresse à notre liberté afin de nous partager la vie nouvelle :

« Aussi, si quelqu’un est en Christ, il est une nouvelle créature. Le monde ancien est passé, voici qu’une réalité nouvelle est là. » (2 Co 5,17)

Être chrétien, ce n’est pas d’abord porter son regard sur le futur, dans l’espérance du Royaume de l’au-delà, mais plutôt se laisser interpeller dès maintenant par le dynamisme de libération et de vie issu du mystère de la Pâque du Seigneur.

C’est accepter en soi, par don du Père, une nouvelle possibilité d’existence, une nouvelle réalisation de son être profond où les limites de la mortalité seront finalement surmontées.

C’est accepter que l’Esprit du Seigneur transforme son quotidien pour le faire déboucher sur ce que Paul appelle le fruit de l’Esprit : une existence marquée par l’amour, la joie, la paix, la bonté, la bienveillance, la douceur, la sérénité intérieure (Ga 5,22-23).

Ceux qui ont expérimenté ces biens savent qu’ils possèdent déjà en eux l’héritage du Seigneur et que c’est là un avant-goût de la vie du Royaume.