Des images non-évangéliques de Dieu

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Cet article s’inspire à titre particulier des ouvrages suivants : Simone Pacot, L’évangélisation des profondeurs, Cerf, 2002 et Ose la vie nouvelle!, Cerf, 2003 ainsi que François Varillon, Joie de croire, joie de vivre, Centurion, 1981.

En quel Dieu croyons-nous ?

Il ne suffit pas que deux personnes disent « Dieu » pour que nécessairement on doive tirer la conclusion qu’ils ont le même Dieu dans la tête et le cœur. Au fait, plusieurs « images de Dieu » sont en circulation et nombreuses sont celles qui ne sont pas évangéliques : Dieu juge ou jamais assez, Dieu lointain, Dieu dont la volonté me terrifie, Dieu dont l’amour est conditionnel, Dieu magique.

Dieu juge ou jamais assez

BalanceC’est le Dieu tellement exigeant que je me sens toujours mauvais, jamais à la hauteur de ses attentes. Je me sens donc jugé, voire condamné. Je m’attends donc à être puni, à payer pour mes mauvaises actions dans ce monde-ci ou dans l’autre.

À bien y penser, ce Dieu n’aime pas l’être humain car il n’a pas le sens du cheminement. Il ne tient pas compte de mon humanité avec ses lenteurs et le temps que j’ai besoin pour grandir. Il faudrait que je sois parfait, dès maintenant, alors que je suis limité. Avec cette image de Dieu, le risque est grand de tomber dans un perfectionisme désespérant et asséchant.

Le Dieu de Jésus-Christ

Et pourtant… Jésus nous révèle un tout autre visage du Dieu-Père :

  • Il part à la recherche de la brebis perdue.
    « Quel est votre avis? Si un homme a cent brebis et que l’une d’entre elles vienne à s’égarer, ne va-t-il pas laisser les quatre-vingt-dix-neuf autres dans la montagne pour aller à la recherche de celle qui s’est égarée? » (Mt 18,12)
  • Il accueille son fils qui a dilapidé tous ses biens.
    « Il alla vers son père. Comme il était encore loin, son père l’aperçut et fut pris de pitié : il courut se jeter à son cou et le couvrit de baisers. » (Lc 15,20)
  • Il va dîner avec Zachée qui pourtant s’enrichit injustement.
    « Quand Jésus arriva à cet endroit, levant les yeux, il lui dit : « Zachée, descends vite : il me faut aujourd’hui demeurer dans ta maison. » (Lc 19,5)
  • Jésus s’émerveille du parfum offert par la femme qui se prostitue.
    « Voyant cela, les disciples s’indignèrent : « A quoi bon, disaient-ils, cette perte? On aurait pu le vendre très cher et donner la somme à des pauvres. » S’en apercevant, Jésus leur dit : « Pourquoi tracasser cette femme? C’est une bonne œuvre qu’elle vient d’accomplir envers moi. » (Mt 26,8-10)
  • Jésus est en admiration devant la foi d’un centurion romain, d’un païen.
    « En l’entendant, Jésus fut plein d’admiration et dit à ceux qui le suivaient : « En vérité, je vous le déclare, chez personne en Israël je n’ai trouvé une telle foi. » (Mt 8,10)

Dieu lointain ou absent

EspaceC’est le Dieu qui aime les gens « en général » et qui en a tellement plein les bras qu’il ne peut s’occuper que de la foule et de la multitude.

C’est le Dieu devant qui je me sens orphelin, spirituellement parlant, car il ne s’intéresse pas vraiment à moi. Bref, n’étant qu’un être humain, on ne voit pas pourquoi un si grand Dieu perdrait son temps pour s’occuper de moi, personnellement.

Le Dieu de Jésus-Christ

Et pourtant… Jésus nous révèle un tout autre visage du Dieu-Père :

  • Alors que Jésus sortait de Jéricho avec ses disciples, pressé par une assez grande foule, il va se laisser toucher par le cri d’un aveugle et engagera une conversation avec lui.
    « Apprenant que c’était Jésus de Nazareth, il se mit à crier : « Fils de David, Jésus, aie pitié de moi! » Beaucoup le rabrouaient pour qu’il se taise, mais lui criait de plus belle : « Fils de David, aie pitié de moi! » Jésus s’arrêta et dit : « Appelez-le. » On appelle l’aveugle, on lui dit : « Confiance, lève-toi, il t’appelle. » Rejetant son manteau, il se leva d’un bond et il vint vers Jésus. S’adressant à lui, Jésus dit : « Que veux-tu que je fasse pour toi? » L’aveugle lui répondit : « Rabbouni, que je retrouve la vue! » » (Mc 10,47-51)
  • Arrivé près d’une foule, Jésus prend le temps de s’intéresser à la demande bien personnelle d’un père qui souffre du mal de son fils.
    « Comme ils arrivaient près de la foule, un homme s’approcha de lui et lui dit en tombant à genoux : « Seigneur, aie pitié de mon fils : il est lunatique et souffre beaucoup; il tombe souvent dans le feu ou dans l’eau. » (Mt 17,14-15)

Dieu dont la volonté me terrifie

ŒilC’est le Dieu dont la volonté me fait peur car je pense qu’elle cherche à s’imposer, et que de plus, elle ne va pas véritablement dans le sens de mon bien-être.

C’est le Dieu qui cherche à avoir une emprise sur moi : il va mutiler ma liberté. C’est le Dieu qui s’occupe de ses intérêts, à l’image du mauvais patron qui voit à la prospérité de son entreprise au détriment du bonheur de ses employés.

Le Dieu de Jésus-Christ

Et pourtant… Jésus nous révèle un tout autre visage du Dieu-Père :

  • La nourriture spirituelle de Jésus est de faire la volonté de son Père qu’il qualifie de « bon ». Cette nourriture est bonne, elle est donc désirable.
    « Jésus leur dit : « Ma nourriture, c’est de faire la volonté de celui qui m’a envoyé et d’accomplir son œuvre. » (Jn 4,34)
    « Jésus lui dit : « Pourquoi m’appelles-tu bon? Nul n’est bon que Dieu seul. » (Mc 10,18)
  • La volonté de Dieu, loin d’enchaîner, rend au contraire l’être humain véritablement libre.
    « Jésus donc dit aux Juifs qui avaient cru en lui : « Si vous demeurez dans ma parole, vous êtes vraiment mes disciples, vous connaîtrez la vérité et la vérité fera de vous des hommes libres. » » (Jn 8,31-32)
  • Jésus s’adresse au désir d’un aveugle en lui demandant ce qu’il peut faire pour lui.
    « S’adressant à lui, Jésus dit : « Que veux-tu que je fasse pour toi? » L’aveugle lui répondi : « Rabbouni, que je retrouve la vue! » » (Mt 10,51)

Dieu dont l’amour est conditionnel

Cœur ouvertC’est le Dieu dont l’amour n’est pas gratuit, et qui, à l’image de plusieurs êtres humains, a un amour conditionnel.

Je dois donc mériter « de vivre » et je dois toujours payer les quelques faveurs ou grâces que Dieu me fait. Je dois gagner son amour.

Le Dieu de Jésus-Christ

Et pourtant… Jésus nous révèle un tout autre visage du Dieu-Père :

  • Jésus est capable de pardon hors du commun, alors qu’il est injustement crucifié, signe manifeste de la gratuité de Dieu.
    « Jésus disait : « Père, pardonne-leur car ils ne savent pas ce qu’ils font. » Et, pour partager ses vêtements, ils tirèrent au sort. » (Lc 23,34)
  • Jésus prend souvent l’initiative, et ce, indépendamment de la condition ou de la moralité des personnes qu’il rencontre.
    « Mais cette femme, cette Samaritaine, lui dit : « Comment? Toi, un Juif, tu me demandes à boire à moi, une femme samaritaine! » Les Juifs, en effet, ne veulent rien avoir de commun avec les Samaritains. » (Jn 4,9)
    « Avançant encore, il vit deux autres frères : Jacques, fils de Zébédée, et Jean son frère, dans leur barque, avec Zébédée leur père, en train d’arranger leurs filets. Il les appela. » (Mt 4,21)
    « Après cela, il sortit et vit un collecteur d’impôts du nom de Lévi assis au bureau des taxes. Il lui dit : « Suis-moi. » » (Lc 5,27)
  • La mission de Jésus? Susciter la vraie vie.
    « Le voleur ne se présente que pour voler, pour tuer et pour perdre; moi, je suis venu pour que les hommes aient la vie et qu’ils l’aient en abondance. » (Jn 10,10)

Dieu magique

Baguette magiqueC’est le Dieu magique et pourvoyeur, voire père Noël. C’est le Dieu qui est à mon service et qui exhauce mes moindres désirs, telle une machine bien rodée, tel un père qui se soumet aux caprices d’un enfant gâté.

C’est le Dieu de la relation infantile.

Le Dieu de Jésus-Christ

Et pourtant… Jésus nous révèle un tout autre visage du Dieu-Père :

  • Jésus nous appelle à une relation d’amitié.
    « Je ne vous appelle plus serviteurs, car le serviteur reste dans l’ignorance de ce que fait son maître; je vous appelle amis, parce que tout ce que j’ai entendu auprès de mon Père, je vous l’ai fait connaître. » (Jn 15,15)
  • L’entrée dans le Royaume demande l’engagement de toute la personne.
    « Il ne suffit pas de me dire : Seigneur, Seigneur! pour entrer dans le Royaume des cieux; il faut faire la volonté de mon Père qui est aux cieux. » (Mt 7,21)

Plusieurs auteurs spirituels nous invitent à voir en Dieu quelqu’un qui désire que l’être humain grandisse en autonomie, dans une saine collaboration avec son Esprit :

  • « On ne dira jamais assez le rôle primordial de la décision dans la vie tout court, et tout spécialement dans la vie spirituelle. C’est dans les décisions que se manifeste et se réalise la liberté humaine. (…) C’est par elle (l’autonomie) que l’homme ressemble le plus à Dieu, qu’il participe le plus étroitement à sa créativité. (…) Par nos décisions, en effet, nous nous mettons littéralement au monde. » (Jean-Guy Saint-Arnaud, sj)
  • « Le Christ donne à nos décisions humaines humanisantes une dimension divine. En d’autres termes, il divinise ce que nous humanisons » (François Varillon sj, Joie de croire, joie de vivre)
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