La vie de chacun de nous est une histoire d’amour avec Dieu.
Chaque jour, nous vivons plein de rendez-vous d’amour avec Lui, sans trop nous en rendre compte.
Mais il y a des moments où nous avons conscience de façon tangible que Dieu est en train de nous faire vivre avec lui une rencontre qui transformera toute notre vie.
Le jour où j’ai accepté de devenir père d’un Foyer de Charité a été l’un d’eux.
Mais d’abord qu’est-ce qu’un « Foyer de Charité »?
C’est le nom que Jésus a dévoilé à Marthe Robin quand il lui a demandé de travailler à sa fondation.
Voici comment il lui a décrit l’œuvre que ce Foyer devait accomplir : « Je veux qu’elle soit un Foyer éclatant de lumière, de charité, d’amour; le centre unique des grandes résurrections spirituelles après la défaite matérielle des peuples et de leurs erreurs sataniques; l’oasis vivifiante (ouverte) aux âmes de bonne volonté, aux âmes anxieuses et découragées, aux pécheurs endurcis et sceptiques… la maison de mon Cœur ouvert à tous. »
Et encore : « Sa création sera le refuge des grandes détresses humaines qui viendront y puiser la consolation et l’espérance; et l’abri de ses murs, le signe évident de ma volonté et l’appel émouvant de mon Cœur aux pécheurs innombrables qui viendront de toutes parts attirés par ma Mère et par Moi y chercher la lumière et la guérison de leurs maux dans mon pardon divin. »
C’est ainsi que Jésus parla à Marthe « de l’Œuvre splendide qu’Il voulait réaliser (à Chateauneuf-de-Galaure, en France) à la gloire du Père, pour l’extension de son règne dans toute l’Eglise et pour la régénération du monde tout entier, par l’enseignement religieux qui y serait donné et dont l’action surnaturelle et divine s’étendrait dans tout l’univers. »
Et Marthe écrit ensuite que c’était « l’Œuvre à laquelle je devais tout spécialement travailler et me donner, suivant son commandement et ses conseils divins, sous la direction du prêtre que de tout temps Il avait choisi et élu dans son Cœur pour son édification et auquel Il donnerait un jour des collaborateurs fidèles et dévoués pour l’aider à absoudre, à instruire et à nourrir les âmes et à les conduire à son amour. »
Marthe Robin était complètement étonnée d’une telle invitation, car qui était-elle pour se lancer dans une telle aventure?
Paralysée depuis 1928 (à l’âge de 26 ans), Marthe Robin vivait, pauvre et humble, confinée dans sa chambre, avec son père et sa mère, en compagnie de son frère, Henri, dans une ferme surplombant le village de Châteauneuf.
Il n’y avait que quelques amies qui venaient la voir, en plus de son curé qui, d’abord réticent, avait finalement accepté de l’accompagner spirituellement et de lui apporter la communion chaque semaine, le jeudi soir.
À cause de sa paralysie, Marthe ne pouvait avaler aucune nourriture, sauf l’Eucharistie qui était vraiment sa « manne » personnelle. Après avoir accueilli Jésus, « dont le Cœur venait battre dans le sien, » Marthe entrait en extase, jusqu’au lundi suivant, pour revivre avec Jésus la Passion et la Résurrection qu’Il avait vécues pour le salut du monde.
Marthe était donc bien étonnée quand Jésus lui adressa cette demande en 1933. Mais, comme le dira plus tard le saint pape Jean Paul II « toute souffrance, régénérée par la force de cette croix (celle de Jésus), de faiblesse de l’homme qu’elle était, devient puissance de Dieu… » (SD # 26).
Et il ajoute :
« Dans ce combat ‘‘cosmique’’ entre les forces spirituelles du bien et celles du mal, dont parle la lettre aux Éphésiens, les souffrances humaines, unies à la souffrance rédemptrice du Christ, constituent un soutien particulier pour les forces du bien, en ouvrant la route au triomphe de ces forces salvifiques.
C’est pourquoi l’Église voit dans tous les frères et les sœurs souffrants du Christ comme un sujet multiple de sa force surnaturelle… Ceux qui participent aux souffrances du Christ conservent dans leurs propres souffrances une parcelle tout à fait particulière du trésor infini de la Rédemption du monde, et ils peuvent partager ce trésor avec les autres » (SD # 27).
Ce sens positif que l’union à Jésus donne à la souffrance, Marthe le vivait intensément et disait bien : « Tout le monde souffre. L’essentiel, c’est de ne pas souffrir pour rien! »
Marthe est donc entrée dans ce projet de Dieu de tout son cœur, elle qui aimait répéter que son bonheur était « d’aimer Dieu et de Le faire aimer. »
Elle a bien compris ce projet dont la Source est « Dieu-Amour », dont les moyens pour le réaliser sont la charité fraternelle des membres du Foyer et dont les Fruits sont la chaude lumière qui inonde les gens venant vivre une retraite spirituelle au Foyer. D’où le nom retenu de « Foyer de Charité » : charité fraternelle des membres entre eux et pour les retraitants, charité puisée dans le Cœur de Dieu et débordant dans le cœur des retraitants.
Ce n’est pas pour rien que Jésus avait ajouté : « Je veux que tous les membres de l’œuvre soient des saints! Qu’ils rayonnent par l’exemple d’une vie profondément surnaturelle, par l’exercice incessant de la charité, leur dévouement à toute épreuve… et enfin par le don de soi à chacun et à tous dans un don total à Dieu. » Évidemment, le Père Finet ajoutait avec humour : « Peu à peu, peu à peu, peu à peu »…
Le rôle que la Vierge Marie devait jouer dans cette Œuvre aida Marthe à accepter le sien. Jésus avait dit, en effet : « Ma Très Sainte Mère, qui sera la Reine glorieusement aimée et écoutée en ce Foyer de mon amour, qu’Elle conduira Elle-même par sa présence toute maternelle, y connaîtra un véritable triomphe qui rejaillira au loin et sera connu des points les plus reculés de la terre. »
Ce n’est pourtant que trois ans plus tard, le 10 février 1936, que le prêtre que Jésus avait promis d’envoyer à Marthe, fit son entrée dans cette aventure.
« Le prêtre que je me prépare, lui avait-il dit, pour l’établissement (de cette Œuvre) et pour son immense développement sera un apôtre d’une très grande influence. Il y fera du reste de magnifiques conquêtes et des conversions nombreuses et inespérées…
Néanmoins, il ne pourra jamais rien faire sans toi, ni loin de toi. C’est par toi que je veux lui transmettre mes ordres et lui faire connaître ma volonté. C’est par toi, à ta prière et à ton incessant holocauste, que je veux lui communiquer ma lumière et ma grâce. Tu lui diras tout au fur et à mesure ce que je demande. Tu ne pourras de même jamais rien faire sans lui. »
Après la rencontre de Marthe et du Père Georges Finet, celui-ci accepta de prêcher, du 7 au 13 septembre 1936, la première retraite de six jours en silence, pour approfondir les « fondements de la foi catholique » et vivre les engagements du baptême. D’où son nom de « Retraite Fondamentale ». Au terme de cette retraite, deux retraitantes demandèrent à suivre Marthe et le Père Finet comme membres du Foyer de Charité.
Depuis, quelques 80 foyers semblables se sont allumés dans le monde entier (l’Océanie est le seul continent toujours sans Foyer, mais des retraites y sont prêchées). Comme membres de Foyer, on se sent chez soi, quel que soit le Foyer où l’on entre.
Au Canada, il y a deux Foyers qui ont des prêtres, qu’on appelle « pères », pour les diriger : un à Sutton et l’autre à l’Île d’Orléans (il y a aussi une annexe à Chicoutimi où sont prêchées des retraites « Foyer »).
Quant à Marthe, décédée le 6 février 1981, l’Église l’a déclarée « vénérable » en 2014, reconnaissant ainsi qu’elle avait vécu les vertus chrétiennes de façon « héroïque ». Nous prions pour que soit reconnu le miracle qui la fera reconnaitre « Bienheureuse »…
Pour ma part, j’ai eu le bonheur de fonder le 35e Foyer dans le monde et le premier en Haïti, le 30 janvier 1973, la veille du tricentenaire de la naissance de saint Louis Marie Grignon de Montfort et mois du centenaire de la naissance de sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus (le 2 janvier) : les deux patrons du Foyer de Charité.
J’avais mis deux conditions à la demande de l’Évêque de Port-au-Prince : « Je n’ai pas d’argent pour aller en France et pas de temps pour me former comme ‘père’ », car j’étais déjà co-responsable, depuis 1966, du développement d’un bidonville devenu « la Communauté Sainte Marie, » fondée par Berthe Hernandez en 1960.
Mais Dieu poussa ma congrégation à me demander d’aller en Europe en juin 1972 pour préparer un document missionnaire pour le Chapitre général et, quand je dis à Marthe Robin, que je visitai pendant la retraite suivie à Châteauneuf : « Monseigneur Ligondé, Archevêque de Port-au-Prince, voudrait un Foyer de Charité », elle me répondit aussitôt : « Mais commencez !… »
« Comme cela? Sans formation? Lui dis-je et Marthe de me répondre prophétiquement (un peu comme Jésus à Nathanaël) : « Vous aviez déjà un Foyer et vous ne le saviez pas ! »
Et c’était vrai : avec quatre membres laïcs, en plus d’animer la Communauté Sainte Marie, nous étions consacrés à Jésus par Marie (c’est un engagement des membres de Foyer) et nous avions déjà prêché des retraites et des missions dans une trentaine de villes et villages du pays.
Alors je ne pouvais que dire « oui ». Et j’en ai toujours été heureux. Depuis 2013, je suis à la retraite dans le Foyer, avec un successeur haïtien tel que je le rêvais depuis 1985 (il a été deux fois Provincial des Montfortains en Haïti et Conseilleur général de sa congrégation pendant six ans). Les vies sont conduites… Dieu écrit droit avec des lignes courbes…
Tout en continuant à prêcher et à accompagner spirituellement des membres et des retraitants, je me prépare à continuer mon travail dans l’au-delà quand Dieu voudra, mais j’ai déjà écrit les derniers couplets (les 24 et 25e) d’un chant que j’aime fredonner souvent :
« Dieu m’a donné rendez-vous et je viens Le rencontrer »
« Il m’a dit : ‘Je viens à toi pour l’ultime rendez-vous.
Ta mort sera ta naissance au bonheur d’aimer sans fin.’
Il m’a dit: ‘Je viens à toi.’ Je l’ai cru, je l’ai vécu.
Merci Dieu de Ta tendresse!
Que c’est doux d’être avec Toi! »
Jacques Beaudry, c.s.v.
Source :
Voix du sanctuaire 2020 (PDF).