La familière prière du Notre Père a été modifiée. Mais pourquoi fallait-il proposer une nouvelle traduction afin de changer un verset? Étions-nous en présence d’une erreur? Non pas, il nous fallait mieux comprendre que Dieu ne veut pas la tentation pour elle-même, mais qu’elle fait partie intégrante de la liberté.
Un verset
Depuis le mois de décembre 2017, une nouvelle traduction du Notre Père est proposée aux catholiques de langue française. Son usage se répand au rythme de son adoption par les diverses conférences épiscopales des pays francophones.
En fait, un seul verset de la traditionnelle prière a été modifié. Le ne nous soumets pas a la tentation est devenue ne nous laisse pas entrer en tentation comme le propose la traduction révisée du lectionnaire actuellement en usage dans la liturgie catholique.
Mais pourquoi un tel changement? Pourquoi une nouvelle traduction? Ces mots qui nous viennent de Jésus ne sont-ils pas un trésor à conserver? Sans aucun doute et l’ancienne traduction que nous utilisions collait de très près aux textes originaux. Elle n’était donc pas incorrecte, mais avait l’inconvénient de mettre en veilleuse un regard plus large à porter sur Dieu et sur l’exercice de notre liberté.
Des traductions toujours à revoir
Jésus était de culture juive et parlait la langue de ses contemporains. Ses paroles comme ses enseignements ont été conservés et transmis par les premières communautés. Cet héritage précieux nous est parvenu à travers l’araméen, l’hébreu, le grec, le latin et en ce qui nous concerne le français.
C’est donc par le biais de traductions que nous y avons accès, des traductions qu’il faut sans cesse mettre à jour, car les langues sont des réalités vivantes. On ne parle plus et on écrit plus comme au 17e siècle. Mais surtout notre compréhension des textes s’est affinée. Un souci de cohérence guide les traducteurs, car ils savent que la prière liturgique est un lieu d’évangélisation et de catéchèse.
Dieu ne tente pas
Certes, aucune traduction n’est idéale, mais celle qui nous faisait dire ne nous soumets pas à la tentation pouvait laisser entendre que celle-ci était l’oeuvre de Dieu.
Or Dieu ne tente pas. La lettre de saint Jacques le dit clairement : Dans l’épreuve de la tentation, que personne ne dise : « ma tentation vient de Dieu » (Jc 1,13). Il n’est jamais du côté du mal, mais toujours de celui qui souffre.
Conscient de cette donnée incontournable, une conclusion s’impose, le Notre Père ne peut pas vouloir dire que Dieu nous soumet à quelque chose qui nous blesse. Bien au contraire.
Une épreuve
Par ailleurs, nous ne le savons que trop, tant de choix s’offrent à nous. Alors la tentation est grande de s’engager dans des voies qui risquent de nous éloigner de l’idéal que propose l’Évangile. C’est tout le risque de la liberté ce qui conduit saint Paul à avoir une autre approche.
Dans sa perspective Dieu donne la tentation. Mais attention, il ne la veut pas pour elle même, car il offre aussi les moyens d’y résister. Il est on ne peut plus clair dans sa première lettre aux Corinthiens : Dieu ne permettra pas que vous soyez éprouvés au-delà de vos forces (1 Cor 10,12-14). C’est ce que veut donner à comprendre la nouvelle traduction qui nous invite à passer de la notion de tentation à celle d’épreuve. La liberté se vit à l’épreuve de la tentation.
La dimension n’est plus alors verticale. L’invocation ne nous laisse pas entrer en tentation nous fait passer à une dimension horizontale où l’être humain devient responsable du choix des routes qui s’offrent à lui. C’est un peu comme si je disais au Seigneur : « Je sais bien que tu me veux libre et que tu fais route avec moi. Mais je trouve difficile d’être confronté à remettre mes choix en question. Ne me laisse pas entrer en tentation. »
Plus que des mots
Cette nouvelle traduction d’un passage difficile est une belle occasion de se réapproprier la grande prière des chrétiens, la prière du Seigneur. Alors pourquoi ne pas en profiter pour prendre son temps dans la prière à haute voix ce qui ne peut que permettre une meilleure compréhension des mots. Ils ont toute leur importance. Ils ont tant à nous apprendre.
Et bonne nouvelle, les Églises protestantes unies de France, de Belgique et de Suisse se sont faites accueillantes à cette initiative catholique.