La Bible témoigne du progrès dans la révélation de Dieu jusqu’à son dépassement définitif en Jésus-Christ.
Il n’est pas sans danger de lire la Bible quand on n’a pas une connaissance très rigoureuse de l’histoire, des genres littéraires, de la pensée sémite, de l’évolution de cette pensée, des progrès de la révélation de Dieu et de son dépassement définitif en Jésus-Christ.
Il reste que l’immense majorité des lecteurs sont difficilement capables d’un tel dépassement et que la lettre du texte risque d’emprisonner lorsqu’on n’est pas suffisamment averti qu’il faut la dépasser.
La Bible peut ainsi devenir un obstacle à la connaissance du Dieu Esprit, du Dieu Vérité, du Dieu Personne, du Dieu Présence, du Dieu intérieur, du Dieu qui se situe dans l’univers qui n’est pas encore.
Un autre regard sur l’homme, Maurice Zundel, paroles choisies par Paul Debains, Le Sarment/Fayard, 1996, p. 52
La Bible est un film pédagogique
Et à la fin du film, il n’y a plus que l’Amour
Pour dire les choses de la manière la plus concrète, reconnaissons donc tout de suite que la Bible est un film pédagogique, qu’il y a des niveaux différents, qu’il y a des étapes, que la Genèse n’est pas au niveau de l’Évangile, que l’Évangile lui-même n’est pas toujours nécessairement au niveau, j’entends de l’Évangile écrit, au niveau de la personne de Jésus-Christ.
Si on se souvient qu’il s’agit d’un film pédagogique, on ira d’abord regarder la fin.
Si vous regardez la fin du film, vous entrerez dans le jardin de l’Agonie, vous verrez que Dieu n’est pas un maître qui impose arbitrairement sa volonté, n’est pas un juge qui châtie, mais que Dieu est victime, victime de tout mal, et que son amour c’est lui-même, qu’il est tout entier l’amour et rien que l’amour, et qu’il est l’amour au moment même où il est offensé, au moment même où il est crucifié, il est l’amour offert pour ceux-là mêmes qui refusent de l’aimer.
Lorsqu’on arrive à la fin du film, il n’y a plus que l’Amour.
Cela doit être dit aujourd’hui avec une clarté parfaitement explicite parce qu’il y a un immense malaise dans la chrétienté comme dans toute l’humanité, et ce malaise consiste précisément dans l’impossibilité d’admettre un Dieu extérieur, un Dieu qui envoie des épreuves, un Dieu qui décrète des maladies, un Dieu qui fait mourir, un Dieu qui trône quelque part et qui est en dehors du monde tout en étant le maître du monde.
Nous ne pouvons plus admettre ces choses, nous nous sentons étrangers à ce Dieu extérieur à nous-mêmes, nous ne savons où le prendre et sur quel palier l’établir, et devant la Bible nous éprouvons souvent un sentiment de révolte parce que c’est trop petit par rapport à ce que nous tenons de Jésus-Christ, c’est trop petit!
Ce Dieu vengeur, ce qui Dieu qui punit, ce Dieu qui détruit, ce Dieu qui déchaîne les catastrophes, ce Dieu qui a un peuple élu, ce Dieu qui exclut les autres, comme s’ils n’existaient pas, ce Dieu partial et sanguinaire, ce Dieu ne peut pas être notre Dieu.
Puisque nous bénéficions de la révélation de Jésus-Christ, puisque nous pouvons contempler l’achèvement du film, il faut commencer par là, commencer par la fin et remonter vers le commencement.
Il y a une immense libération à regarder le film de la Révélation par la fin : alors on peut relire tout le livre l’esprit en repos, on peut acquiescer à toute cette pédagogie en montant avec elle vers Jésus-Christ, en sachant que toutes ces étapes qui précèdent Jésus-Christ sont nécessairement imparfaites, qu’elles ne prétendent pas nous livrer le dernier mot ni du monde ni de Dieu, mais qu’on est en route vers quelque chose de meilleur, et que finalement le vrai Dieu est tout entier au-dedans de nous et que le ciel, comme dit le pape saint Grégoire, est l’âme du juste.
Avec Jésus-Christ nous passons du dehors au-dedans, nous n’avons plus à chercher Dieu derrière les étoiles mais au-dedans de nous, et nous n’avons plus à redouter un maître terrible et un Dieu implacable, mais à dialoguer avec un amour qui nous attend au plus intime de notre cœur.
La pédagogie divine, textes tirés d’une homélie prononcée par Maurice Zundel au Sacré-Cœur, Lausanne, 1966.