Le mien, mon Dieu? Celui que j’aime? C’est celui que je prie! Il est amour, il m’invite à l’amour, il me conduit sur les chemins de l’amour, il me pardonne de mal aimer.
Mon Dieu, c’est celui qui donne la vie en abondance, pas comme le monde la donne, mais comme on la voit vivre par les personnes qu’on aime. La vie où l’on se reconnaît un peu.
Le Dieu que j’aime, c’est le Dieu qui délivre du mal, guérit les cœurs et les mémoires. Les cœurs blessés par la trahison, par la rancune, les mémoires habitées par des haines, des inimitiés, des vengeances de toutes sortes.
Mon Dieu, c’est celui qui prend toujours l’initiative, qui choisit et qui envoie. Le Dieu qui, à cause de son trop grand amour, ferme les yeux sur mes « impossibles fidélités », sur mes promesses non tenues, parce que mes faiblesses me surprennent toujours. Oui, mon Dieu, celui que je prie tous les jours, ferme les yeux sur mes incohérences.
C’est sur ce Dieu que je risque ma vie. Sur ses promesses, je continue d’avancer à sa suite, même si je pense souvent que je ne suis pas digne de le suivre, parce que je suis un disciple infidèle. Il me veut disciple et apôtre, sel et lumière du monde. Je le deviens progressivement, parce que mes péchés me font goûter au sel et à la lumière de son pardon.
Qui donc pourrait aimer un Dieu qui surveille, qui menace, qui punit, qui règlemente la vie de l’un et de l’autre? Un Dieu qui impose une loi qui restreint, rapetisse les rêves, éteint les désirs, étouffe les dynamismes créateurs?
Qui pourrait, d’autre part, aimer un Dieu insignifiant? Qui pourrait accepter de se laisser aimer par un Dieu incolore, sans saveur, bonasse? Un Dieu qui laisse tout faire au nom de la liberté artificielle, faite de pouvoir, de savoir et d’avoir? Le Dieu que j’aime, c’est le Dieu du cœur, pas celui des comportements et des apparences.
Qui pourrait accepter d’être aimé par un Dieu inconscient de la souffrance de l’être humain? Un Dieu qui se venge de ne pas être aimé, servi, adoré, reconnu? Un Dieu que l’on recherche ou que l’on trouve en dehors de toute ascèse, de tout effort, de toute exigence morale? Un Dieu qui se cache dans la facilité, le laisser-aller, la nonchalance et la mollesse?
Je refuse cependant le Dieu qui programme la vie, le Dieu de ceux qui ont besoin d’un programme minutieux pour avancer et qui croient encore au petit Jésus à qui ils font de la peine.
Non, mon Dieu ne se scandalise pas de mes faiblesses. Je n’aime pas ce Dieu qui me surveille, qui me juge à la moindre erreur, qui m’évalue à chaque pas que je fais. Je n’aime pas non plus ce Dieu qui menace l’homme des flammes éternelles de l’enfer. Je rejette ce Dieu des grands catéchismes en images de mon enfance qui meublent encore mon imagination de diables à fourche, à cornes et laids à faire peur pour la vie.
Ce Dieu était en même temps le Bon Dieu qui avait créé l’homme à son image et à sa ressemblance et le menaçait de la géhenne éternelle. J’ai commencé jeune à ne pas croire à ces mensonges qu’on enseignait avec bonne volonté et qui blessaient mon cœur d’enfant.
J’ai refusé jeune ce Dieu punisseur qui gardait les bébés non baptisés dans les limbes, qui nous faisait passer par les flammes du purgatoire pour nous purifier et qui nous livrait aux flammes de l’enfer pour nous condamner éternellement. J’ai toujours de la difficulté avec ce Dieu intraitable qui devait être en même temps un Père. J’étais sûr, et très jeune, que je pourrais faire ma vie sans référence à ce Dieu qu’on m’avait inventé.
Je rejette aussi le Dieu qui s’inquiète, jusqu’à nous culpabiliser, de la vie sexuelle des êtres humains. Un Dieu obsessif qui fouille les consciences, comme s’il regrettait de nous avoir créés sexués. Mais j’aime le Dieu qui nous donne la joie toujours plus grande de le chercher encore après l’avoir trouvé à travers la complexité des événements de la vie.
Je veux croire en un Dieu qui sera au rendez-vous à ma dernière heure, mais qui, à tout instant, est au rendez-vous de ce que je vis, au rendez-vous de mes joies comme de mes souffrances. Un Dieu présent, avec qui je marche en inventant le chemin de la vie et avec qui, dans la complicité de mes faiblesses, je réorganise constamment, à toutes les étapes de la vie, mes raisons de croire, d’espérer et d’aimer. Ce Dieu-là, c’est le mien, qui me choisit, me pardonne et me repardonne. Je ne l’invente pas. Il n’est pas un Dieu rêvé.
C’est le Dieu que je célèbre dans ma foi. Un Dieu que j’ai reçu dans la foi de ma famille, que ma mère m’a donné, un Dieu libre qui engendre la liberté dans les cœurs. Ce Dieu est celui en qui je ne peux pas ne pas croire sans me trahir moi-même, parce que je suis corps et sang de son Fils qui donne en partage. En le trahissant, je me trahis moi-même. Il est mon père et je suis son enfant! Et vous tous qui m’entendez du fond de votre cœur, vous êtes mes frères et mes sœurs. Quelle famille que la famille de Dieu! Ce Dieu du « Faites ceci en mémoire de moi! »
Oui, le vrai Dieu est celui de mon cœur. Il n’est pas celui d’un peintre, si grand soit-il, ni celui d’un poète, si inspiré soit-il. Il est le Dieu de ma vie. Oui, un amoureux fou, d’une folie comme peut l’être la folie de l’amour. Y a-t-il plus déplaisant que d’être regardé par quelqu’un qui te juge, t’analyse, t’évalue, soupèse tes manques, tes aptitudes, tes pauvretés, tes capacités et tes incapacités, tes dispositions et tes motivations…?
Mon Dieu est celui qui aime tout simplement! Un Dieu généreux, large de cœur et d’esprit, en qui il n’y a pas l’ombre d’une mesquinerie. Ce que je trouve le plus insupportable chez un être humain, c’est la mesquinerie, c’est l’étroitesse d’esprit, la jalousie. Il est impossible que le Dieu que je prie soit l’image de l’homme qui n’est pas généreux. Chez mon Dieu, c’est la démesure de la générosité.
Le père du fils qui revient, c’est la plus belle image de mon Dieu. C’est Jésus lui-même qui me l’a décrite et qui l’a peinte dans mon cœur uniquement pour mes heures d’adoration.
Mon Dieu, le mien, parce qu’Il est celui de tous, est le Dieu des fidélités, mais qui ne s’étonne pas de mes infidélités, qui ne se surprend pas de mes douloureuses incapacités. C’est un Dieu qui aime l’homme comme il l’a fait, à son image et à sa ressemblance, une image toujours à préciser, une ressemblance toujours à parfaire.
Un Dieu patient qui sent très bien que l’homme se rapproche de jour en jour, à travers ses propres faiblesses, de l’image originelle. Ce Dieu souffle sur une poignée de poussière, et du souffle créateur sort l’homme que je suis, que nous sommes. Et c’est à travers la poussière qui colle encore à mon âme que je retrouve mon Dieu en qui je risque quotidiennement ma vie.
Mon Dieu n’est nul autre que le Père qui m’enveloppe de l’Amour des sept dons de l’Esprit de son Fils ressuscité!
Si je n’ai pas répondu à ta question, je n’y peux rien. Ma réponse est donnée et elle ne se discute pas. Elle se prie!
Jean-Pierre Saint-Germain
Source :
Voix du sanctuaire 2019 (PDF).