Deuxième de la série.
Voici un des grands dons de la prière : la conversion du cœur qui prend sa source dans la conversion du désir. D’autres désirs nous montent au cœur, que nos vieilles habitudes ignoraient. Nous nous prenons – mais cela ne vient pas de nous et n’est pas au bout d’un effort – à désirer ce que nous redoutions et à nous inquiéter de ce que nous désirions. L’Esprit de Dieu n’a besoin pour opérer la conversion de notre cœur que de ce temps de prière que nous lui offrons. (Pierre Guilbert)
Nota Bene
Cette série sur le thème de la prière s’inspire tout particulièrement de l’excellent ouvrage intitulé « La prière retrouvée » que nous vous recommandons grandement.
La prière retrouvée par Pierre Guilbert, 1981, Foi vivante – Vie spirituelle, Nouvelle cité, Distribution Cerf, 1981, 180 p.
Nous avons eu la chance de nous procurer cet ouvrage en faisant une recherche sur le Net. Notre copie est usagée, car l’ouvrage semble vraisemblablement épuisé.
Un temps de retraite plus que nécessaire
N. B. Afin de saisir le contexte de ce deuxième article de la série, nous vous conseillons de lire le premier.
Le premier soir de la retraite, après une courte présentation des personnes et des choses, voilà qu’on présente l’horaire des dix journées à venir.
Un « détail » eut l’effet pour ainsi dire « d’assommer » notre cher prêtre en quête de vie spirituelle : au sein de l’horaire, d’énormes plages de temps libres.
Comme il le dit lui-même :
Et j’entendis alors le Père (animateur de la retraite), avec cette simplicité plus redoutable qu’un coup de matraque : « Pour le reste… (ce « reste » qui prenait à lui seul les deux tiers de la journée!), « pour le reste, il suffit que chacun de vous assure quatre heures de prière personnelle par jour ». (p 16)
Jamais, même en additionnant tous les types de prière, même au temps des semaines saintes au Grand Séminaire, Pierre Guilbert n’avait connu quatre heures de prière personnelle.
Si bien qu’il n’en croyait pas ses oreilles.
Seulement, étonnamment, la tentation d’en faire qu’à sa tête ne lui était même pas venue à l’esprit, selon son propre témoignage :
Le petit « oui » infime et minuscule prononcé quelques mois plus tôt à l’invitation pour ce temps de retraite avait déjà commencé à porter, à nouveau, du fruit.
Alors qu’une partie de lui-même criait son incapacité à prier quatre heures par jour, il sentait d’autre part monter en lui le désir d’essayer.
Deux voix se faisaient entendre : « Impossible! » et « Essaye! ».
Sauf que la voix l’invitant à essayer venait d’une source beaucoup plus profonde, comme une aube qui se lève dissipant la nuit. Une aube qui est l’œuvre d’un Autre.
Comme le dit Pierre Guilbert, « quelque chose en moi avait décidé d’essayer » :
Ainsi la conversion du cœur prend sa source dans la conversion du désir. D’autres désirs te montent au cœur, que tes vieilles habitudes ignoraient. Tu te prends – mais cela ne vient pas de toi et n’est pas au bout d’un effort – à désirer ce que tu redoutais et à t’inquiéter de ce que tu désirais. (p. 20)
La part qui nous revient : consentir au désir profond
Première journée de la retraite, Pierre a « réussi » à prier trois heures.
Des heures « grignotées » de multiples manières :
- Temps de silence
- Lecture spirituelle
- Temps à la chapelle
- Marche dans la nature
- …
Rien de « glorieux ». Aucun transport mystique. Le temps lui ayant même souvent pesé.
Seulement, il avait « tenu » trois heures.
Le cercle de l’impossible avait été brisé sous ses yeux.
Dès le second jour, il avait prié quatre heures.
Seulement, il avait bien conscience que c’était infiniment fragile.
C’est que Pierre avait le sentiment que cette « victoire » était fondamentalement l’œuvre d’un Autre et que ce n’était surtout pas le temps d’une présomptueuse autosatisfaction.
Une joie humble l’habitait.
Un « oui » minuscule donné au désir profond semé par un Autre.
Un « oui » qui n’a qu’à suivre la pente ou l’inclination du désir.
Notre part? Ne pas briser le fil, ne pas rompre le charme.
Le désir est donné, mais il nous appartient de le laisser grandir en ne l’étouffant pas :
Dieu mettait en moi ce désir et je n’avais qu’à l’accueillir. Tu sais bien que la joie suit l’accomplissement de ton désir (profond). (p. 25)
La prière revenait habiter Pierre, « comme une vieille connaissance qu’on retrouve identique à elle-même au-delà les années, aussi fraîche, aussi jeune, que si nous nous étions quittés de la veille. » (p. 23-24)
L’important était de « tenir » à ce temps de prière et ne rien faire d’autre.
Et pour le reste, à savoir ce que l’on peut vivre dans ce temps de prière, cela ne dépend fondamentalement pas de nous.
Être là pour prier et y revenir chaque fois qu’une distraction se présente.
Une seule chose comptait pour Pierre en ce temps de retraite, tenir le temps de la prière quatre fois une heure :
Car en vérité, ce qui, dans ta prière, est prière, ce n’est pas toi qui le fais, mais l’Esprit de Dieu en toi, qui n’a besoin pour réussir que de ce temps que tu lui offres.
Évite donc de l’étouffer en voulant « faire » à sa place.
Laisse-le prier en toi et sois seulement le lieu où l’Esprit, en cet instant, prie le Père…
(p. 26)
Pour aller plus loin
Pierre Guilbert a connu un temps de retraite et de prière qui l’a conduit à une vie plus pleine. Que pourrais-tu faire, concrètement, pour offrir un temps de prière à Dieu? L’important est de se mettre en marche, même si l’on débute par « 5 minutes » chaque jour.
À suivre…