Nourris par l’amour du Père miséricordieux, nous sommes appelés à devenir signes de la présence du vrai Dieu pour le monde d’aujourd’hui. Pour m’approprier la paternité spirituelle et l’autorité compatissante qui en résulte, il me faut laisser le fils révolté et le fils rancunier s’avancer sur la plate-forme, pour recevoir l’amour miséricordieux et inconditionnel que le Père offre, et y découvrir l’appel à être à la maison, comme mon Père est à la maison.
Cet article a été rédigé à partir de l’ouvrage « Le retour de l’enfant prodigue » (p. 149-176) de Henri Nouwen, Éditions Bellarmin, 1995, 177 p.
N.B. Veuillez vous référer à la parabole en fin d’article.
Introduction
« Soyez miséricordieux comme votre Père est miséricordieux. » (Lc 6,36)
Cet appel de Jésus est sans doute le plus exigeant.
Le tableau de Rembrandt dépeint le retour de l’enfant prodigue en mettant un accent tout particulier sur la personne du père.
Dieu désire prendre soin de moi et me donner sa vie en plénitude.
Il m’offre à chaque instant de ma vie la possibilité d’un nouveau départ.
Plus encore, Dieu m’invite à devenir comme lui.
Je suis appelé à devenir à son image et à sa ressemblance.
Appelé à la paternité spirituelle
En tant qu’héritier, à l’instar du fils prodigue, je suis appelé à la succession. (p. 153)
Je suis appelé à offrir aux autres la même compassion que Dieu m’offre.
Le retour au Père est finalement le défi de devenir le Père miséricordieux. C’est cela vivre de sa vie. (p. 153)
La peur paralysante de Dieu a été et est encore toujours une des grandes tragédies de l’humanité.
Combien de personnes se croient soumises à la vengeance et à la punition de Dieu! Cet état d’esprit paralyse leur vie mentale et émotive.
Nourris par l’amour du Père miséricordieux, nous sommes appelés à devenir signes de la présence du vrai Dieu pour le monde d’aujourd’hui.
Devenir comme le Père céleste est le cœur même du message de Jésus :
« Vous donc, vous serez parfaits comme votre Père céleste est parfait. » (Mt 5,48)
« …afin d’être vraiment les fils de votre Père qui est aux cieux ; car il fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, il fait tomber la pluie sur les justes et sur les injustes. » (Mt 5,45)
Appartenir à Dieu pour pouvoir être comme lui
Tant que nous appartenons au monde, dans l’espérance d’être récompensé pour tout le bien que nous faisons, nous ne pouvons être libres.
Mais quand nous appartenons à Dieu, qui nous aime de manière inconditionnelle, nous pouvons aspirer à vivre comme lui, à aimer comme lui, à être bon comme lui et à prendre soin comme lui. (p. 155)
La façon dont les êtres humains sont appelés à s’aimer les uns les autres est la façon même de Dieu.
L’amour ne contrôle pas
La paternité spirituelle n’a rien à avoir avec le pouvoir ou le contrôle. C’est une paternité de compassion, à l’instar du père, embrassant le fils prodigue. (p. 157)
Je cherche à conquérir le pouvoir et à contrôler chaque fois que … (p. 157-158) :
- … je donne un conseil pour ensuite savoir s’il a été suivi.
- … j’offre mon aide, mais en vue d’être remercié.
- … je donne de l’argent, tout en voulant qu’il soit exactement utilisé comme je l’entends.
- … je fais quelque chose de bien et je veux qu’on s’en souvienne.
- … je vis en fonction de ne pas être oublié.
- …
Vivre à fond la paternité spirituelle à laquelle nous sommes appelés exige de notre part la discipline radicale d’être à la maison. On ne peut donner que ce que l’on reçoit soi-même des mains du Père.
Le père du fils prodigue ne se soucie pas de lui-même. Sa vie de longues souffrances l’a vidé du désir de tout contrôler. (p. 158)
Notre immense désir d’être reconnu et aimé fait en sorte qu’il est très difficile d’aimer sans mettre des conditions à notre amour.
Pourtant, aimer comme le Père est le secret de la liberté.
Savoir qu’à chaque fois que l’on aime un être humain, on manifeste du même coup notre amour pour le Seigneur qui est toujours notre premier prochain.
La réciprocité dans l’amour, faite d’accueil et de don, est ainsi sauvée.
Trois chemins vers la paternité de compassion
Henri Nouwen discerne dans le tableau de Rembrandt trois chemins vers la paternité de compassion : la souffrance, le pardon et la générosité.
La souffrance me demande de laisser les péchés du monde, dont les miens, transpercer mon cœur. La souffrance est la discipline du cœur qui voit le péché du monde et sait qu’elle est elle-même le prix douloureux de la liberté, sans lequel l’amour ne pourra fleurir. Préparer mon cœur à accueillir chaque personne, peu importe ce qu’a été son cheminement, et lui pardonner à partir de ce cœur. (p. 159-160)
C’est grâce à un pardon sans cesse répété que l’on devient comme le Père. Un pardon sans condition et qui est vide de toute recherche de soi, de compliments ou de reconnaissance. (p. 160)
Faire preuve de générosité est un don de sa personne qui est une véritable discipline, car ce n’est pas quelque chose qui va de soi. C’est le passage d’une attitude de peur, de contrôle et d’intérêt personnel à celle de l’amour. (p. 162)
En tant que père, il me faut croire que tout ce que le cœur humain désire peut être trouvé à la maison, à l’instar de la parabole du fils prodigue. (p. 163)
Vivre à fond la paternité spirituelle à laquelle nous sommes appelés exige de notre part la discipline radicale d’être à la maison.
On ne peut donner que ce que l’on reçoit soi-même des mains du Père.
La discipline consiste justement à cesser de vouloir accomplir cela moi-même, avec mes seules forces, comme un exploit héroïque, comme si j’étais un orphelin. (p. 165)
Comme l’affirme Henri Nouwen :
Parce que je suis une personne qui ne s’accepte pas et qui est toujours à la recherche d’approbation et d’affection, il m’est impossible d’aimer de façon constante, sans jamais demander quelque chose en retour.
Pour m’approprier la paternité spirituelle et l’autorité compatissante qui en résulte, il me faut laisser le fils révolté et le fils rancunier s’avancer sur la plate-forme, pour recevoir l’amour miséricordieux et inconditionnel que le Père offre, et y découvrir l’appel à être à la maison, comme mon Père est à la maison.
(p. 164-165)
Parabole du fils prodigue (Lc 15,11-32)
Jésus dit encore :
« Un homme avait deux fils. Le plus jeune dit à son père : “Père, donne-moi la part de fortune qui me revient.” Et le père leur partagea ses biens.
Peu de jours après, le plus jeune rassembla tout ce qu’il avait, et partit pour un pays lointain où il dilapida sa fortune en menant une vie de désordre.
Il avait tout dépensé, quand une grande famine survint dans ce pays, et il commença à se trouver dans le besoin.
Il alla s’engager auprès d’un habitant de ce pays, qui l’envoya dans ses champs garder les porcs.
Il aurait bien voulu se remplir le ventre avec les gousses que mangeaient les porcs, mais personne ne lui donnait rien.
Alors il rentra en lui-même et se dit : “Combien d’ouvriers de mon père ont du pain en abondance, et moi, ici, je meurs de faim! Je me lèverai, j’irai vers mon père, et je lui dirai : Père, j’ai péché contre le ciel et envers toi. Je ne suis plus digne d’être appelé ton fils. Traite-moi comme l’un de tes ouvriers.”
Il se leva et s’en alla vers son père. Comme il était encore loin, son père l’aperçut et fut saisi de compassion; il courut se jeter à son cou et le couvrit de baisers.
Le fils lui dit : “Père, j’ai péché contre le ciel et envers toi. Je ne suis plus digne d’être appelé ton fils.”
Mais le père dit à ses serviteurs : “Vite, apportez le plus beau vêtement pour l’habiller, mettez-lui une bague au doigt et des sandales aux pieds, allez chercher le veau gras, tuez-le, mangeons et festoyons, car mon fils que voilà était mort, et il est revenu à la vie; il était perdu, et il est retrouvé.” Et ils commencèrent à festoyer.
Or le fils aîné était aux champs. Quand il revint et fut près de la maison, il entendit la musique et les danses. Appelant un des serviteurs, il s’informa de ce qui se passait.
Celui-ci répondit : “Ton frère est arrivé, et ton père a tué le veau gras, parce qu’il a retrouvé ton frère en bonne santé.”
Alors le fils aîné se mit en colère, et il refusait d’entrer. Son père sortit le supplier.
Mais il répliqua à son père : “Il y a tant d’années que je suis à ton service sans avoir jamais transgressé tes ordres, et jamais tu ne m’as donné un chevreau pour festoyer avec mes amis. Mais, quand ton fils que voilà est revenu après avoir dévoré ton bien avec des prostituées, tu as fait tuer pour lui le veau gras!”
Le père répondit : “Toi, mon enfant, tu es toujours avec moi, et tout ce qui est à moi est à toi.
Il fallait festoyer et se réjouir; car ton frère que voilà était mort, et il est revenu à la vie; il était perdu, et il est retrouvé !” »