Dans les Évangiles synoptiques (Matthieu, Marc et Luc) et dans le livre des Actes des Apôtres, l’Esprit est conçu comme une force donnée à l’Église et aux chrétiens et chrétiennes pour les commencements et les grands moments de la mission. Saint Paul a fait avancer encore davantage la pensée chrétienne sur le rôle de l’Esprit.
Pour Paul, tout ce qui est habituel et quotidien dans la vie humaine et chrétienne tombe sous l’influence de l’Esprit. C’est l’Esprit qui donne aux croyants et croyantes le goût de vivre la vie chrétienne, en même temps qu’il leur confère le dynamisme pour la vivre toujours plus pleinement. L’Esprit est au fondement même de la vie chrétienne.
Source de foi et de vie
« L’Esprit est à la source de la foi et de la vie chrétienne »
La foi chrétienne ne devient possible que sous l’action de l’Esprit saint. En effet, selon saint Paul, « Nul ne peut dire : Jésus est Seigneur, si ce n’est par l’Esprit saint » (1 Co 12,3). L’Esprit est aussi la source du véritable amour qui s’exprime dans l’ensemble de la vie chrétienne.
En effet, toutes les réalités de l’existence chrétienne sont le fruit de l’Esprit : « Le fruit de l’Esprit est amour, joie, paix, longanimité, serviabilité, bonté, confiance dans les autres, douceur, maîtrise de soi » (Ga 5,22-23). Ce sont là autant de caractéristiques de l’amour agapè.
Pour Paul, la vie chrétienne se définit essentiellement comme une vie dans l’Esprit. L’Esprit est également un puissant dynamisme de vie chrétienne en tant que force de résurrection. Selon Rm 8,11, l’Esprit est donneur de vie dès cette terre et principe de résurrection pour la vie du Royaume.
« En effet, écrit Paul, si l’Esprit de Celui qui a ressuscité Jésus d’entre les morts habite en vous, Celui qui a ressuscité le Christ Jésus d’entre les morts donnera aussi la vie à vos corps mortels par son Esprit qui habite en vous ».
En tant que force de résurrection, l’Esprit est à la fois appel et dynamisme de dépassement de la mort et de toutes ses limites opprimantes. Dans la conception de Paul, la force de l’Esprit s’inscrit directement dans la ligne de l’élan vital de l’être humain et il le rejoint au plus profond de ses aspirations à la vie, au coeur même de son goût de vivre toujours plus pleinement. Il est en chacun principe d’éclatement de la vie pour une réalisation plénière dans le Royaume.
Source de prière
« L’Esprit est à la base de la prière authentiquement chrétienne »
La prière, en tant qu’elle est vraiment chrétienne, ne peut jaillir que sous la poussée de l’Esprit.
C’est l’Esprit qui permet au chrétien de dire à Dieu abba! papa! L’Esprit atteste que nous sommes fils et filles du Père : « En effet, tous ceux qu’anime l’Esprit de Dieu sont fils de Dieu. Aussi bien n’avez-vous pas reçu un esprit d’esclaves pour retomber dans la crainte; vous avez reçu un esprit de fils adoptifs qui nous fait nous écrier : Abba! Père!
L’Esprit en personne se joint à notre esprit pour attester que nous sommes enfants de Dieu » (Rm 8,14-16). La prière du chrétien est finalement la prière de l’Esprit en lui.
C’est donc l’Esprit en chacun qui est source de communion intime avec Dieu. Grâce à l’Esprit, le Dieu du chrétien n’est plus ressenti comme un Dieu lointain, un Dieu juge, un Dieu vengeur. L’Esprit permet au chrétien d’établir avec Dieu des relations d’intimité, de confiance, d’amour. À l’angoisse et à la peur, succèdent la paix et la joie.
L’être humain est par le fait même libéré des multiples aliénations religieuses qui ont envahi, depuis des millénaires, l’histoire religieuse de l’humanité.
Force de rassemblement
« L’Esprit est force de rassemblement et de vie communautaire »
Dans la théologie paulinienne, c’est encore l’Esprit qui réalise le rassemblement et l’unité des membres du Corps du Christ malgré leur multiplicité et leur diversité.
« Aussi bien, écrira l’Apôtre, est-ce en un seul Esprit que nous tous avons été baptisés pour ne former qu’un seul Corps…, et tous nous avons été abreuvés d’un seul Esprit » (1 Co 12,13).
Grâce à l’Esprit, l’homme sort de son isolement pour devenir membre de la communauté ecclésiale. Dans la pensée de Paul, l’Esprit constitue le lien vital entre les chrétiens et le Christ. En rattachant tous et chacun au Christ, il édifie le Corps du Christ et rend possible la communion des membres entre eux et avec le Christ.
Sans l’Esprit, la vraie communauté chrétienne n’est pas réalisable, non plus que la communion fraternelle et l’agapè authentique.
Source de liberté
« L’Esprit est source de liberté et de libération »
C’est là un thème fondamental de la conception paulinienne de l’Esprit. Puisque, selon l’Apôtre, « là où est l’Esprit du Seigneur, là est la liberté » (2 Co 3,17).
Bien plus, les chrétiens et les chrétiennes ont une vocation à la liberté : « Vous, mes frères, avez été appelés à la liberté; seulement, que cette liberté ne se tourne pas en prétexte pour la chair; mais par la charité mettez-vous au service les uns des autres » (Ga 5,13).
Par l’Esprit, le chrétien a accès à la vraie liberté, celle qui se réalise dans et par l’amour. En christianisme, on est libre pour aimer : aimer Dieu et aimer son prochain. La vraie liberté peut progressivement libérer l’être humain des multiples aliénations de sa condition humaine.
Dans le vocabulaire socio-religieux de son temps, Paul signale les esclavages qui lui semblent les plus pernicieux pour l’homme, tels le péché, la loi, la mort. Seul l’Esprit du Seigneur peut vraiment libérer l’homme de ces esclavages, parce que seul il peut donner à l’homme de se réaliser pleinement au-delà de l’aliénation suprême que constitue la mort. Non pas que la liberté chrétienne ne concerne que l’au-delà.
Pour l’Apôtre, la liberté chrétienne se réalise dès ici-bas dans le vécu quotidien de chacun; mais elle ne s’épanouira en plénitude que dans le Royaume, alors que toutes les aliénations auront été vaincues dans la victoire de la résurrection (cf. 1 Co 15,54-57).
Fondement de l’éthique chrétienne
« L’Esprit est à la base de l’éthique chrétienne »
Paul va écrire : « Or vous n’êtes pas sous l’empire de la chair mais de l’Esprit, puisque l’Esprit de Dieu habite en vous » (Rm 8,9). Selon l’Apôtre, il y a donc deux façons de vivre sa vie : on peut la vivre « selon la chair » ou bien « selon l’Esprit » (cf. Rm 8,5-13).
Vivre selon la chair, c’est vivre en connivence ou en liaison avec les forces du mal, du péché et de la mort en soi et dans le monde. À l’opposé, une existence selon l’Esprit consiste à vivre selon les forces du bien, de l’amour et de la vie que l’Esprit suscite au plus profond de chacun, en même temps que dans la communauté humaine.
Il s’agit là vraiment de deux manières d’être, ou encore de deux modes d’existence qui s’opposent radicalement parce qu’ils débouchent sur deux issues tout à fait opposées : d’un côté la mort comme échec d’une existence, de l’autre côté, la vie dans son épanouissement vers le Royaume de gloire (cf. Rm 8,13.17).
L’Esprit est une force qui permet à l’être humain de réaliser ses aspirations les plus profondes à la libération et à la vie.
En donnant à l’homme le goût des valeurs libératrices du Royaume, l’Esprit lui donne en même temps la capacité de les atteindre progressivement et toujours plus pleinement.
À l’opposé de la loi qui est extérieure à l’homme, l’Esprit est un principe intérieur qui peut devenir en chacun désir, goût, dynamisme, amour, libération. Croire en l’Esprit, c’est finalement expérimenter que la force qui peut nous libérer et nous réaliser pleinement se trouve en nous, au coeur de nos aspirations à la joie, au bonheur, à la vie.
Retrouver le goût de vivre
L’Esprit est source de créativité, d’initiative, de renouveau, de poussée vers l’avant. Dans un temps où l’Église semble ébranlée par les différentes crises qu’elle traverse, où l’on ne voit plus trop l’issue, il faut reporter sa confiance en l’Esprit.
Il est sûrement toujours présent à son Église, capable de faire surgir de nouvelles formes de vie chrétienne en conformité avec l’Évangile et signifiantes pour l’homme contemporain. L’Esprit est capable de faire surgir la vie là où la mort semblait s’installer. Ses interventions sont souvent inattendues, déroutantes même.
C’est souvent lorsque l’homme est désemparé que Dieu reprend les choses en main par la force de son Esprit. La nouveauté et le changement sont davantage l’oeuvre de l’Esprit que le statu quo et l’immobilisme.
Quand c’est la force de l’Esprit qui suscite la nouveauté, alors l’horizon s’ouvre vers l’avenir et finalement vers le Royaume.
L’Esprit est source de vie nouvelle. Il s’agit d’une vie caractérisée surtout par l’amour, la joie, la paix, la bonté, la confiance (cf. Ga 5,22).
Dans un monde où la recherche du bonheur est souvent axée sur la possession de biens extérieurs à soi, sur l’efficacité technologique, sur la réussite matérielle, l’Esprit promet un bonheur tellement plus plein, une vie tellement plus féconde, une plénitude intérieure tellement plus grande.
Retrouver le goût de vivre et de vivre pleinement, voilà l’un des signes de la présence active de l’Esprit en nous et dans la communauté. C’est là pur don de Dieu.